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Sondes d'irrigation : savoir « capter » les besoins !

Certaines collectivités territoriales possèdent déjà un savoir-faire entermes d'irrigation à l'aide de sondes d'humidité. Le pilotage tensiométriquede l'arrosage des jeunes plantations d'arbres s'est ainsi développé durant lesdix dernières années.

L'utilisation de capteurs, notamment d'humidité du sol, permet de gérerl'irrigation au plus près des besoins des plantes et, ainsi, d'homogénéiser lesapports tout en réalisant des économies d'eau. Certaines contraintes freinentencore leur emploi, mais leurs bénéfices incitent à s'interroger.

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L'horticulture doit gérer de plus en plus finement l'irrigation, pourfaire face aux contraintes réglementaires grandissantes d'une part, et auxincertitudes saisonnières de l'approvisionnement en eau d'autre part.Différentes pratiques horticoles permettent d'optimiser les ressourcesexistantes : recyclage, goutte-à-goutte, choix du substrat, pilotage del'irrigation à l'aide de capteurs... Certains capteurs mesurent l'humidité dusol ; d'autres, encore souvent réservés à la recherche, s'intéressent à l'étatphysiologique du végétal, en enregistrant par exemple les variations dediamètre des organes de la plante, la température foliaire, le potentielhydrique des feuilles, le flux de sève... La société néerlandaise Priva aprésenté à Horti Fair 2011 un outil de contrôle climatique directement dirigépar la connaissance en continu de la température de la plante (concept PrivaTopCrop).

Les capteurs ont leurs forces et leurs faiblesses, au même titre que lesautres méthodes de pilotage de l'irrigation. Le jugé visuel nécessite une bonnedose d'expérience, mais aussi de présence sur le terrain. La programmationhoraire ne tient pas compte de l'influence des facteurs environnementaux surles besoins réels de la plante. La conduite basée sur l'évapotranspirationpotentielle (ETP) laisse la place à des imprécisions, comme la mesure dudrainage ou la pesée du substrat...

Les capteurs permettent le pilotage à distance de l'irrigation ou sonautomatisation. Ils sont alors associés à un enregistreur de données, à unautomate commandant l'ouverture et la fermeture des électrovannes et à unboîtier central. Ils initient l'irrigation lorsque la teneur en eau du substratou le paramètre physiologique mesuré franchit le seuil de consigne spécifié parl'utilisateur. Cette automatisation passe toutefois par plusieurs requis : lamise à disposition de technologies fiables, résistantes, faciles d'utilisation,à un coût abordable ; et la connaissance fine des besoins des plantes en eauselon les paramètres environnementaux extérieurs.

Des économies d'eau, mais pas seulement

Un pilotage efficace de l'irrigation repose sur la détermination de la doseet la fréquence d'arrosage, sachant que passé un certain seuil, augmenter lesapports d'eau n'augmente plus de manière significative la croissance et risquede créer un stress d'asphyxie racinaire. La quantité d'eau à apporter dépend denombreux facteurs : climatiques (pluviométrie, taux d'humidité de la serre,température de l'air, ensoleillement...), culturaux (caractéristiques dusubstrat, densité des pots...), physiologiques (évapotranspiration de laculture, stade de croissance...). L'usage de capteurs peut largement contribuerà faciliter la prise de décision, aider à apporter la bonne dose au bon momentet, ainsi, à économiser l'eau, notamment en pépinière de pleine terre ou enespaces verts. Les capteurs et logiciels de pilotage de l'irrigationbénéficient d'ailleurs de subventions dans le cadre du Plan végétalenvironnement (« Équipements de maîtrise des apports d'eau d'irrigation »).

En hors-sol, le recyclage permet de moins se soucier des quantitésutilisées. Il faut tout de même tenir compte de la consommation électrique liéeau fonctionnement des pompes. Par ailleurs, le contrôle automatique del'irrigation à l'aide de capteurs d'humidité permet un taux d'humidité dans lesubstrat plus constant qu'avec les pratiques conventionnelles, limitantl'étiolement et l'usage des régulateurs de croissance. Une irrigation excessiveconduit au lessivage des éléments nutritifs. Elle crée des conditions propicesà certains agents pathogènes racinaires. Mieux gérer les apports d'eau permetde réduire les stress liés au manque d'eau ou au manque d'air, et d'obtenir uneproduction de qualité.

Les capteurs à l'essai

Les stations de l'Astredhor (Sileban, Arexhor, CDHR-Centre...) mènent depuisune quinzaine d'années des expérimentations sur le pilotage de l'irrigation enproduction à l'aide de différents capteurs (lire en page 16) et dansdifférentes conditions de culture. Elles ont notamment montré l'intérêt et lafaisabilité du pilotage tensiométrique, afin de gérer les apports d'eau au plusprès de la demande. Les principaux inconvénients sont la fragilité destensiomètres (sensibilité au gel...) et la nécessité d'un entretien régulier(risque de désamorçage des bougies poreuses en cas d'assèchement), ainsi quedes problèmes de mesure en substrat poreux. Les capteurs tensiométriques ontaussi été testés dans le cadre du programme Sciencil initié par le Grand Lyonil y a quinze ans pour acquérir les connaissances sur la plantation et laconduite d'arbres en ville. Une synthèse des études menées par Sciencil est encours de rédaction par Plante & Cité. Partenaire du programme, Hydrasol,société créée en 1999, spécialisée dans le pilotage de l'arrosage par latensiométrie, a développé cet outil en espaces verts : « Plusieurs milliersd'arbres d'ornement, des terrains sportifs, des massifs floraux, des toitureset murs végétaux sont actuellement gérés par la tensiométrie », selon AbelkaderBensaoud, responsable de la société. L'investissement dépend du nombre decapteurs utilisés : entre 35 € HT la sonde tensiométrique Watermark et 80 € HTle tensiomètre à eau avec bougie poreuse type Irrometer. L'investissement nes'arrête pas à l'achat des capteurs : boîtier de lecture manuel (Watermark) oucentrale d'acquisition automatique (Tensiomanager® ou Monitor), tarière pourmettre en place les tubes (75 € HT)... Automatiser l'irrigation nécessite unéquipement supplémentaire (programmateur, électrovannes...).

Concernant les sondes diélectriques, testées depuis 2003 par l'ArexhorÎle-de-France-Haute-Normandie (aujourd'hui Seine-Manche), la station notaitdans son compte-rendu de 2009 que « l'investissement de base pour un teléquipement est encore important et la technique demande une personneparticulièrement avertie pour le suivre ». Le prix des sondes varie de 130 € HT(sonde Decagon Echo-5) à plus de 2 000 € HT. D'où les essais portant surl'utilisation d'une sonde portative reliée à un boîtier de lecture (autour de200 € HT), afin d'éviter la multiplication des capteurs. En 2009, la stationn'a pas obtenu de résultats satisfaisants en pépinière hors-sol, avec unmatériel qui renvoyait des valeurs très variables pour un même état hydrique desubstrat et une plage de valeurs trop faible ne permettant pas la transcriptiondes résultats. Le modèle Echo2-5, notamment, en permettant de fixer la valeurbasse et la valeur haute du signal, autorise une amplification de la plage desdonnées et donc une interprétation facilitée. Les sondes capacitives gagnentainsi en fiabilité, en durée de vie (théorique de trois ans) et en facilitéd'utilisation. Elles permettent la lecture des courbes en millimètres d'eau ouencore la mesure de l'électroconductivité (voir article page 17).

Le casse-tête du positionnement

Quel que soit le type de capteur utilisé, une condition d'efficacité desmesures est le positionnement de l'instrument au bon endroit. Le capteur doitêtre placé au sein d'un lot homogène qui pourra servir de parcelle de référencepour d'autres parcelles équivalentes. Dans ce lot, les végétaux ont desconsommations comparables et des comportements de substrats équivalents ; ilfaut choisir à bon escient la plante pilote. Ainsi, en culture hors-sol, ilpeut y avoir des différences d'humidité pour un même substrat, suivant lalocalisation du pot dans la serre (pignon sud...) ou sur la parcelle, suivantla consommation en eau du cultivar, ou encore en cas de débit variant d'ungoutteur à l'autre. Les besoins des cultures évoluant au fil de leurdéveloppement, de même que les propriétés du substrat (tassement,biodégradation...), des réajustements des consignes de pilotage doivent êtreréalisés en cours de saison.

La sonde doit être positionnée dans la zone où l'humidité varie sousl'influence de l'activité des racines et du système d'arrosage. L'humidité dela couche supérieure du substrat, soumise aux conditions climatiques et à laprésence ou non d'un paillage, n'est pas représentative. Dans le cas d'ungoutte-à-goutte, la sonde doit être placée à la périphérie du bulbed'humectation formé sous le goutteur. Des mesures à deux profondeursdifférentes (par exemple, 30 et 60 cm) permettent de suivre les mouvementsd'eau dans le sol et d'évaluer le développement racinaire. Si la sonde Echo-5peut être utilisée en godet, l'encombrement de certains capteurs limite leurutilisation à des pots suffisamment grands (15 cm), tandis que leur champd'efficacité restreint le volume prospecté (ainsi, il faudrait théoriquementinstaller plusieurs capteurs dans les gros conteneurs).

L'étalonnage des sondes capacitives est important, chaque sonde présentantsa propre échelle de mesure. L'étalonnage s'effectue en comparaison avec untensiomètre ou par définition de seuils de mesure maximum (saturation dusubstrat) et minimum (point de flétrissement permanent). Une fois leséquipements en place, il reste à interpréter les données et les courbesobtenues, ce qui peut passer par une formation ou par le recours à uneprestation de service.

Automatiser ou ne pas automatiser

Parmi les obstacles qui ont contribué à limiter la mise en place du pilotageautomatisé de l'irrigation par les producteurs, outre le coût des équipementset leur manque de solidité ou de fiabilité, il y a la nécessité de mettre enplace un réseau important de fils lors de l'emploi de capteurs filairesclassiques. C'est pourquoi les procédés « wireless » (transmission sans fil desdonnées) se développent. Les données peuvent être transmises à une unitécentrale par ondes radio, un téléphone portable par GPRS (General Packet RadioService) ou GSM (Global System for Mobile Communications)... Les critères àvérifier : leur autonomie en cas d'alimentation par pile ou photovoltaïque, etla distance maximale de transmission. Les installations peuvent être équipéesde systèmes d'alarme qui se déclenchent en cas de panne d'une électrovanne, parexemple. Malgré tout, il peut être difficile de placer le devenir de sa cultureentre les broches d'une sonde, comme l'illustre le témoignage d'un responsablede production d'une pépinière varoise, où l'irrigation s'effectue à vue : «Durant l'été, la durée de vie sur une planche est de six heures seulement :nous sommes obligés de passer tous les jours pour vérifier les asperseurs, çane sert à rien d'automatiser. »

Le lycée d'Angers Le Fresne, à Sainte-Gemmes-sur-Loire (49), a automatisél'irrigation pour la culture de l'hortensia (*) : 80 000 plantes sur 3 ha dehors-sol. Éric Duclaud, le directeur de l'exploitation du lycée horticole, asoumis son cahier des charges au fabricant Aria (41), qui a mis en place sonmodule Ariabox radio (coût total de 7 000 euros pour un prototype), avec quatresondes Echo-5 pilotant seize électrovannes, une sonde « robuste et fiable danssa qualité de mesure si elle est bien entretenue et bien placée au milieu de laculture (pas en bordure) ». Le responsable explique : « Si la sonde défaille ousi le pot dans laquelle elle se trouve est cassé, un programme de secoursenvoie quand même l'arrosage. » Couplée avec la mesure de l'hygrométrie del'air, Ariabox radio s'est révélée très souple pour assurer le bassinage deshortensias dès qu'il fait très sec.

Le conseil général des Hauts-de-Seine a mis en place en 2009 le dispositifde gestion de l'arrosage Tensio-Manager®, développé et breveté par la sociétéHydrasol, sur les sept terrains du stade Yves-du-Manoir, à Colombes. Les sondestensiométriques sont placées à l'intérieur des terrains (sur le pourtour) à 6cm et 25 cm de profondeur. Elles sont reliées aux centrales d'acquisitionenterrées à 50 cm dans le sol et capables d'émettre par onde GSM vers leserveur Hydrasol. Le Tensio-Manager® est également utilisé pour le suivid'autres terrains sportifs (ville de Nantes) et le suivi d'arbres, notammentles jeunes arbres d'alignement, par exemple par les villes de Paris, deStrasbourg, de Perpignan, le conseil général du Val-de-Marne (sondes sur 10 %des sujets), la communauté urbaine de Lyon, le Grand Toulouse. Le système coûtede 970 à 6 000 euros selon le nombre de capteurs et les prestations.

Une solution qu'il faut sonder

La multiplicité des plantes en production ou les conditionsenvironnementales peuvent rendre trop contraignant un pilotage automatisé del'irrigation : « Nous avons plusieurs variétés sur les planches. Du coup, nous“jouons” de la vanne afin d'adapter l'irrigation sur une même planche. Nousdevons également compter avec les turbulences que cause le vent surl'aspersion... », donne en exemple un responsable de production d'une pépinièresituée dans le Var.

Alors, sonde ou pas sonde ? « Avoir un pilotage de l'irrigation performantne sert à rien si le système d'arrosage n'est pas lui-même performant »,tempère Guy de Villartay, chargé de clientèle à la Caahmro.

Dossier réalisé par Valérie Vidril

(*) Voir le Lien horticole n° 745 pp. 12-13 « Fertirrigation : lepilotage par radio sur la bonne fréquence » du 23 mars 2011.

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